WKND 99.5 FM

Lancer la Web radio Lancer la Web radio

Tel qu'entendu en ondes

Des écrans tactiles (très) distrayants au volant
23 août 2022
par

La technologie qui vise à nous simplifier la vie finit parfois par la compliquer.


Une enquête réalisée par un magazine automobile suédois révèle que les écrans tactiles, installés dans la majorité des nouveaux modèles, seraient plus complexes et plus longs à utiliser que les boutons classiques qu’ils ont progressivement remplacés, parfois presque totalement.


Pour parvenir à ces résultats, l’équipe de Vi Bilägare a mis au défi des conducteurs, alors qu’ils étaient au volant en circuit fermé à 110 km/h, de réaliser les tâches suivantes :


- Activer le siège chauffant, monter la température de deux degrés, et activer le dégivreur arrière


- Allumer la radio, et sélectionner un poste précis


- Remettre à zéro l’ordinateur de bord (fonction qui calcule le kilométrage d’un trajet donné, souvent représentée par Trip A/Trip B)


- Baisser la luminosité du rétroéclairage du tableau de bord, et éteindre l’écran central 


Parmi les véhicules testés : 11 modèles récents, luxueux ou pas, mais tous dotés d’écrans tactiles, ainsi qu’une Volvo V70 2005, équipée de boutons physiques. Les conducteurs avaient du temps pour s’acclimater au tableau de bord de chacun des véhicules. 


Des écarts majeurs d’une auto à l’autre


Les résultats sont sans équivoque. Les conducteurs ont mis en moyenne dix secondes à réaliser ces quatre tâches une après l’autre au volant de la vieille Volvo, et jusqu’au triple dans les autres véhicules. 


Celui qui se mérite la pire note est la BMW iX, nouveau modèle électrique du constructeur allemand, et facturé chez nous près de 90 000 $. Les conducteurs devaient quitter la route des yeux plus de 30 secondes pour réaliser les tâches ce qui représente, à 110 km/h, près d’un kilomètre d’autoroute. Pour la Volvo, c’était 300 mètres. 


Le chronomètre a atteint 27 secondes pour la Hyundai Ioniq 5, 25 secondes pour le Nissan Qashqai, 24 secondes pour la Tesla Model 3, et 19 secondes pour la Subaru Outback. 


Peu surprenant, tranche un expert québécois


Interpellé par WKND sur ces résultats, le professeur de l’UQAC Martin Lavallière se dit peu surpris. Aux yeux de cet expert qui a passé deux ans au Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour un stage postdoctoral consacré aux technologies embarquées et à la distraction au volant, les écrans tactiles sont juste… moins ergonomiques. 


Contrairement aux boutons qui confirment physiquement que l’on a appuyé, les écrans, dit-il, n’offrent aucune « rétroaction ». Il devient donc presque inévitable pour le conducteur de quitter les yeux de la route pour s’assurer qu’il a appuyé au bon endroit. Un conducteur appelé à conduire différents véhicules fait face à une tâche encore plus ardue, comme les systèmes diffèrent d’un modèle à l’autre. 


Il constate que ces écrans, malgré leurs lacunes en matière de sécurité, se multiplient face à la demande des consommateurs. Si la mode du tactile semble irréversible, il faut surtout s’interroger, selon lui, sur les constructeurs qui, comme Tesla, forcent le conducteur à passer par le système de navigation pour activer des fonctions qui influent sur la sécurité, comme l’éclairage ou les essuie-glaces. 


Aux autorités d’intervenir ?


Face à cette tendance, des voix s’élèvent pour que les autorités balisent ce qui doit être activé par des boutons classiques. C’est déjà le cas, entre autres, des feux d’urgence, toujours mis en marche par un bouton pressoir en forme de triangle rouge. 


Comme l’explique Martin Lavallière, les États ont plusieurs fois forcé la main de l’industrie. Il cite l’imposition des caméras de recul obligatoires en 2018, ou celle de l’Electronic Stability Control, ou antipatinage en français. Or, rappelle-t-il, ces changements législatifs touchent un enjeu purement lié à la sécurité. Le défi des systèmes de navigation, lui, semble plus complexe.


« Les écrans tactiles, c’est un argument de vente des constructeurs. Ils vendent leurs véhicules comme des extensions de nos téléphones cellulaires. » Ils seraient donc, à ses yeux, plus difficiles à convaincre dans ce dossier. 


En bout de piste, selon lui, il revient quand même au conducteur de choisir ce qu’il fait en conduisant son véhicule. « Ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire, » tranche-t-il, avec sagesse.